24/02/2012

L'inimagination au pouvoir (et le déni dans les têtes)

Un ancien monde a du mal à mourir. Un nouveau monde a du mal à naître.
Et dans cet entre-deux, nous devons faire un choix.

Nicolas Sarkozy - lettre aux électeurs expatriés (février 2012)

Une fois n'est pas coutume, je partage ce constat.

Dommage qu'ils nous ne le donnent pas, ce choix...

L'embarras du non-choix

Il est en effet déjà établi que, quel que soit l'issue du scrutin monarchique présidentiel prochain, nous aurons un élu qui se consacrera à rassurer les populations et les marchés quant au fait que rien ne va changer. Les sondages nous l'ont annoncé, on s'y plie. Changement d'équipe ou pas , on va re-signer pour 5 ans d'acharnement thérapeutique sur un système aussi moribond que toxique. La crise aura encore de beaux jours devant elle.

On ne voit pas comment Hollande, avec son robinet d'eau tiède, fera pour redonner au pays le souffle nécessaire pour se remettre dans le sens de la marche. Au mieux peut-on espérer, qu'en démantelant la Sarkozie, ça enlève au pays cette grosse épine dans le pied qui le paralyse tant (oui, un pays qui s'irrite de l'intérieur, en s'agitant frénétiquement, ça n'avance pas...), et que sonne enfin l'heure du réveil (des consciences). Mais, est ce que les français, débarrassés d'un chef magouilleur qui les martyrise autant qu'il les hypnotise, se remettront spontanément dans le sens de la marche avec un chef assez habile pour noyer les poissons? Rien n'est moins sûr.

Machine folle et imbéciles heureux

Quand ferons-nous le deuil du monde ancien?

Le système mécanique censé faire tourner l'économie de marché "autorégulée" (entendez "sans responsable") a démontré ses vices de forme. Cette mécanique ne peut fonctionner que sur une concurrence entre individus qui lamine les sociétés en portant les inégalités à des niveaux intenables, et que sur le concept d'expansion perpétuelle (la fameuse "croissance") qui est en réalité une fuite en avant dont on prend conscience quand on se prend des murs (le seul moyen qu'on a trouvé pour ralentir et nous donner l'impression de pouvoir reprendre les choses en main, en jurant nos grands dieux qu'on s'y prendra mieux la prochaine fois). Cette mécanique est donc absurde, non-maitrisable. Elle ne peut produire que des drames.

C'est comme si notre véhicule ne pouvait avancer qu'en accélérant. Nos experts en tous genres et autres dirigeants ont beau nous répéter qu'ils savent le piloter, jusqu'à quand allons-nous gober leurs explications foireuses et leurs diagnostics savants?

Cela pouvait faire illusion tant qu'on ignorait nos limites. Mais notre terrain de jeu se révèle de plus en plus étroit, les murs deviennent trop fréquents, trop infranchissables : dettes financières incontrôlables, ressources planétaires menacées, pauvreté explosive, dérèglement climatique. On va au tas.

Ces défis imposeraient à tout humain lucide, clairvoyant, responsable une profonde remise à plat. Qui déboucherait sur la volonté de rebosser tous ensemble, en remplaçant le mot "croitre" par "préserver", le mot "profiter" par "respecter". 

Oui il devrait y avoir du boulot pour tout le monde, et cela pourrait ête épanouissant pour chacun. Mais le constat est sans appel. Nous sommes juste irresponsables, court-termistes, aveuglés par nos addictions en tous genres, ou pieds et poings liés à nos dépendances matérielles. Bercés d'illusions par les ondes cathodiques. On ne réagit pas.

Choisit-on des représentants à notre image ou sont-ce nos représentants qui nous façonnent à leur image?

Je m'interroge et je m'inquiète.

Quand j'entends l'imposteur parmi les imposteurs, de son palais élyséen, nous raconter sans rire que le chômage va se résoudre si on redonne aux chômeurs l'envie de travailler, je tremble en observant la réaction de mes pairs.

Ont-ils réalisé que les defficits records de la balance commerciale signifient qu'on produit de moins en moins ce que l'on consomme? Ont-ils compris qu'on s'endette pour faire bosser des gens à l'autre bout de la planète au lieu de produire nous même? Croient-ils sérieusement que cela est dû au manque de motivation des chômeurs? Que cela est dû à l'existence des "profiteurs" de l'assistanat? Que l'existence 200 000 offres d'emplois non pourvues permettent d'affirmer sereinement que les 4 millions de chômeurs ne veulent pas bosser? Et vont-ils continuer à se laisser faire quand on les pousse à regarder pas plus loin que le bout de leur nez, à juger leurs voisins, leurs semblables plutôt que prendre du recul pour considérer gobalement le phénomène?

Après la fable de 2007 qui nous expliquait qu'il suffirait de travailler plus pour gagner plus, voilà qu'on nous sert l'idée qu'il suffit que les chomeurs acceptent de travailler pour qu'il n'y ait plus de chômage...

Distorsion et hypnose

Foutue magie du petit écran qui déforme notre vision au point d'exempter nos "responsables" de faire preuve de la moindre imagination pour changer le cours des choses. Le système est globalement parfait, à quelques ajustements près, car ce serait aux "défavorisés" de changer, de s'adapter... La belle affaire... Enième version de la rengaine conservatrice, du leit-motif ancestral des puissants sur les faibles : "aide-toi, et le ciel t'aidera..."

Pour revenir à cette nouvelle grosse ficelle sur la bouc-émiratisation de l'assistanat, je tremble à l'idée qu'une majorité de mes pairs retombe dans le panneau. Surtout que je n'entends pas de réaction lucide du candidat d'en face pour couvrir ce chant de flûte qui pourrait nous mener droit à la noyade.

Mais rassurez-moi, le désespoir est-il susceptible de conduire fatalement l'esprit humain à ce genre d'hypnose volontaire et à ces syndromes de déni? N'a-t-on vraiment pas d'instinct de survie?