11/11/2012

Creuser, pour reboucher...

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Ils ont réussi.

Ils ont réussi à nous convaincre que nous devions payer. Que nous devons réparer.

Ils ont réussi à nous culpabiliser, et nous tombons dans le panneau.

Nous devons rembourser car nous avons vécu au dessus de nos moyens. 

Trop paresseux, trop malades, trop assistés. Pas assez flexibles, pas assez productifs, pas assez compétitifs.

Le problème numéro un, notre vice, le fléau, le chaos qui nous guette, c'est la dette. 

Notre salut, notre purgatoire, notre rédemption, c'est l'austérité.

 

Peu importe si, drôle de coïncidence, le trou de la dette équivaut peu ou prou à l'argent que nous a prélevé le système financier privatisé en appliquant ses taux d'intérêt, depuis que les Etats n'ont plus eu le droit de recourir à la finance publique, en 1973. Les états se sont vus imposés un intermédiaire privé, entre eux et leur banque centrale, et depuis, on a gentiment rétribué cet intermédiaire,  à hauteur de 1 400 000 milliards d'€ , soit un volume manquant proche de celui du fameux "trou" (1789 milliards en mars 2012). Oui, si nous avions emprunté à taux zéro, à nous mêmes, comme avant 1973, sans verser cette "dîme", cette "gabelle" au secteur privé, nous n'aurions pas une dette ridicule aujourd'hui, on en parlerait même pas.

 

 

 

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Ils ont réussi à nous convaincre que ce trou, c'est nous qui l'avons creusé, pas eux. C'est fort, non?

Et qui ça "ils"? Je parle tout simplement des acteurs plus ou moins surpuissants du système financier, qui sont passés en quelques décennies du statut de fluidificateurs de l'économie (une banque ne sert-elle pas à la base d'intermédiaire entre emprunteurs et épargnants?) à celui d'inquisiteurs supranationaux qui ont mis les démocraties au pas grâce à la collaboration zélée de nos représentants politiques.

Marginalisés, les quelques milliardaires qui ont amassé des fortunes grâce à une aventure industrielle comme au temps du capitalisme à papa. On en viendrait presque à les regretter. Au moins on avait des usines pour y bosser. 

Désormais, les puissants sans visage se sont construits en collectionnant patiemment les prélèvements permanents, certes souvent indolores, que le monde financier opère sur le monde économique réel. En tirant parfaitement profit et de leur privilège de créancier/propriétaire d'un peu tout, et de leurs talents de spéculateurs sans états d'âmes. Et en désossant, bradant, dévitalisant nos infrastructures pour les transférer ailleurs.

 

Nous voilà soumis, dociles, résignés pour consentir quelques sacrifices, plus ou moins douloureux, afin de résorber la dette. 

La rendre supportable.

La vache à lait du système financier ne doit pas exploser. A nous de faire l'effort.

Voilà l'urgence du monde civilisé.

Qui nous fait marcher au pas. Quitte à décréter la loi martiale. Et nul ne bronche, ou si peu.

 

Bien sûr il y a quelques désordres, mais pas méchants. Voire même opportuns.

Ceux qui veulent pas mettre au pot s'en prennent à leurs voisins, pour peu qu'ils vivent dans des caravanes, c'est plus facile.

Il y a des méchants qui jouent parfaitement leur rôle de méchants, avec leurs grosses barbes et leurs desseins barbares, très pratiques pour entretenir un climat de peur très saturé, et éviter qu'on se disperse avec d'autres inquiétudes. Ils sont parfaits pour canaliser la vindicte populaire, et bien malgré eux ils participent parfaitement au maintien de l'ordre public. Faudra penser à les décorer un jour...

Quant aux "pigeons" autoproclamés, ils sont bien utiles. Ils permettent à nos maîtres de nous rappeler que le droit de s'enrichir est plus important que le devoir de solidarité. Et puis, faut bien se souvenir de qui c'est les victimes, qui c'est les coupables. Les victimes, c'est ceux qui paient trop d'impôts, qui ne peuvent pas s'enrichir paisiblement à cause de nous. Les coupables, c'est nous.

 

Voilà comment la population, qui s'est gentiment faite délester de 1400 milliards d'euros en 40 ans, continue à vivre sous l'emprise de son maître, la finance, et va se montrer plus généreuse encore pour évacuer son sentiment de culpabilité en essayant de reboucher le trou. Étrange, n'est-ce pas?

 

 

 

Notez sinon qu'il y a d'autres dettes.

Et pas des moindres.

 

La dette sociale. 

Le creusement des inégalités, qu'est-ce, si ce n'est une mauvaise redistribution des richesses dont la portée se répercutera sur les générations futures ? A-t-on conscience du coût à supporter pour la collectivité pour faire tourner une société inégalitaire? Pour faire cohabiter des mondes extrêmes de façon stable dans le même espace?

 

La dette écologique.

On va laisser à nos enfants des infrastructures délirantes de routes et autres installations énergivores, et des réserves d'énergies fossiles vides. Des montagnes de déchets. Des centrales nucléaires à démanteler et à enfouir.  Un climat déréglé, des intempéries endurcies, des zones géographiques dévastées.

C'est une facture intergénérationnelle sans précédent.

Un trou insondable.

Rien à voir avec les quelques centaines de milliards d'euros à peine de la dette souveraine de notre beau pays. Non c'est incomparable. Ce n'est pas estimable. Pour cela plus encore que pour tout le reste, les euros ne sont qu'une monnaie de singe..

 

Dette sociale. Dette écologique. Ces dettes là n'existent pas dans le prisme de notre système médiatico politique. Ils n'ont d'yeux que pour cette "dette" soi disant souveraine, qui déstabilise à peine notre système bancaire déjà bancal pourtant.

 

Ces belles autruches nous mettent la tête dans le trou, mais le mauvais trou, celui qui n'est qu'anecdotique, pour être sûr que rien ne changera avant qu'ils ne disparaissent.

Oui, c'est amusant, l'austérité, ça consiste en fait à creuser un nouveau trou pour en reboucher un précédent, et éviter qu'on fasse des choses plus utiles.

 

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