13/05/2012

Ci-git la droite française républicaine (1945 - 2007)


C'est reparti comme en 14...
Les complexes sont passés de droite à gauche. La culpabilité aussi. On le constate depuis les reniements mitterrandiens, la chute du mur de Berlin, Maastricht, Villevoerde, le TCE, etc... Moins la gauche est de gauche, plus elle s'excuse de l'être. Drôle de paradoxe que les sociologues nous expliqueront sans doute un jour, s'ils se mettent à décortiquer les sphères du pouvoir dans un système de démocratie représentative en régime capitaliste...
La campagne électorale de François Hollande nous l'a encore une fois montré. La tendance est profonde.

Plus surprenant, quoique logique finalement, c'est ce qui se passe en face. C'est l'enseignement majeur de l'élection présidentielle française : la stratégie presque gagnante de la ligne "Buisson" a finir de mettre à terre ce qu'il restait du front républicain.
On est en train de réaliser avec le recul que la parenthèse gaulliste de la droite française a bel et bien pris fin en 2007, lorsque que le candidat d'alors a déclaré qu'il fallait engager la "rupture". Et nous a montré que la République, c'est comme l'environnement, ça commence à bien faire...
Un demi-siècle, c'est le temps qu'il a fallu à la droite pour faire contrition. Une génération est passée. La droite sarkozyenne ne veut pas plus porter la culpabilité de Vichy que celle de la colonisation. L'après-guerre est terminée. Fini les pansements. La sécurité sociale, les retraites avec trop de répartition, l'Etat trop laïc, trop providentiel.. Faut réformer, revenir aux fondamentaux de droite.
Le paternalisme bienveillant du général a fait long feu. Le vaccin de la seconde guerre mondiale n'a la durée de vie que de celle de notre mémoire collective, c'est à dire quelques décennies au plus. A l'heure du bombardement cathodique permanent et de l'enfermement dans l'immédiateté, l'amnésie prend l'ascendant sur le souvenir. La France généreuse et ouverte, c'était hier. La France doit être forte (vis à vis des faibles). Il est temps de repartir... comme en 14.

Le vice caché de la construction européenne
La droite française républicaine pourra-t-elle renaitre de ses cendres, après 35 ans de déclin et 5 ans de léthargie? Seul Bayrou semble avoir le courage de s'opposer à cette fatalité. Mais son crédo, l'intégrité morale et l'honnêteté gestionnaire, ne semble pas parler à l'électorat de droite, éduquée en Chiraquie et donc heureuse en Sarkozie.
La droite semble inéluctablement disposée à laisser glisser le pays vers la technocratie capitaliste européenne en rénovant le cadre poussiéreux de la nation pour donner aux masses un os à ronger d'inspiration fasciste. Faire croire à un regain de souveraineté nationale pour masquer la perte de souveraineté démocratique. Et confirme le spectre terrifiant qui semblait trop gros pour être vrai. Mais c'est un fait, l'histoire se répète : l’Europe revitalise le nationalisme et le fascisme, alors qu'elle a été (officiellement) construite pour les combattre.

L'entourloupe libérale
"L’antifascisme tue la démocratie". Voilà un trompe-l'oeil évoqué  ici, fruit de l'amalgame entre antifascistes et socio-libéraux. Ce n'est pas parce que les socio-libéraux se voulaient antifascistes qu'on peut les confondre. En réalité c'est une supercherie dont la gauche naïve a été la victime (consentante?). L'Europe libérale nous a été vendue pour démanteler l’Etat Nation, et ce afin d'affaiblir la Nation. A l'arrivée elle a affaibli l’Etat mais pas la Nation..
Des décennies de confiance aveugle, à accepter à contrecoeur l’idée que le commerce était le langage commun de tous les européens, et que la politique n’avait pas besoin d’être discutée par les peuples entre eux. Pas besoin de leur apprendre à parler la même langue, ils parlent tous l’Euro : la main invisible du commerce gère tout pour eux, les autres discussions ne relevant pas de la sphère économique continuent à se traiter de façon traditionnelle au niveau local (national donc).
La prise de conscience est brutale. Loin des grandes utopies théoriques, la main invisible est juste pilotée par la technocratie et les lobbies financiers. Le constat est sans appel. Le néolibéralisme si séduisant n'est que l'habit moderne du capitalisme ancestral.
Nous voilà aujourd'hui avec ce recul démocratique entériné, et les décennies de gouvernances nationales menées sous le sceau de l'obscurantisme politique (ignorance de la réalité macro-économique du monde, stigmatisation microscopique du pauvre, immigré, assisté, bref du plus faible..) sont le meilleur terreau pour la ré-émergence du fascisme...
Va-t-on assister à la répétition de l'histoire, sous l'oeil complaisant des classes dominantes?

Chacun contre tous, tous contre chacun
Certes la barbarie du siècle dernier n'a que peu de chance de se reproduire dans sa forme nazie. Mais en clamant en permanence qu'on vit dans le meilleur système de civilisation et qu'il n'y a pas de place pour ceux qui ne savent pas s'y adapter, ne prend-on pas le risque de voir se concrétiser une certaine forme de purge contre les inadaptés, les faibles, les nuisibles désignés?
La crise fait vaciller le monde entier. A tous niveaux, l'addiction à la propriété privée a maintes fois prouvé que l'humain est capable de fermer les yeux sur la laideur du monde, voir d'y prendre part activement, si son patrimoine, quelle qu'en soit la taille, est en jeu.

Ne nous y trompons pas. Il ne semble pas idiot de penser que le néolibéralisme fait volontairement pencher l'édifice du côté du fascisme pour être sûr qu'en cas d'effondrement, la casse soit limitée et que l'ensemble ne tombe pas du côté du collectivisme. Le fascisme restera toujours la soupape de sécurité du capitalisme. Celle qui aide à prendre de la matière humaine comme variable d'ajustement afin de prolonger son existence.
La droite gagnerait à ne pas se ranger dans le sillage de cette dérive, et serait bien inspirée de renoncer à la société patriarcale du "chacun contre tous et tous contre chacun" Sarkozyen, sous peine d'être à nouveau ternie par le nom d'une ville évoquant une autre époque, et dont aucune couleur ne saura jamais embellir le tissu quadrillé.

07/05/2012

On a failli récidiver...

Ouais, il était grand temps que ça se termine...

Ça devenait de plus en plus malsain, ça a failli basculer dans la récidive !

On peut remercier l'approximation des sondages... Si ceux ci avaient mieux évalué la montée de Marine Le Pen au premier tour, si ceux ci n'avaient pas surestimé le vote de gauche, Sarkozy aurait sas doute dégainé plus vite ses clips de campagne anxiogènes et aurait peut être réussi son coup...

Bien sûr, c'était François

Bien sûr, y a eu Toulouse.

Mais comment peut-on expliquer un si spectaculaire rebond des intentions de vote pour Sarkozy dans l'entre deux tours, alors que :
- Hollande l'a coiffé au premier tour (de peu, certes)
- Hollande a réussi un bon débat
- Sarkozy s'est agité dans tous les sens, s'est empêtré dans son concept de "vrai travail", s'est fait reprendre par son premier ministre sur la stigmatisation des syndicats..
- Bayrou, un des politiques les plus populaires du pays, a donné sa préférence à François Hollande.

N'importe quel candidat normal se serait effondré. Mais Sarkozy, lui, a progressé.

La seule explication que je vois, c'est un phénomène qui fait penser à la réelection sur le fil de Bush Jr au dépens de Kerry, alors que les sondages prédisaient l'inverse.
Faire peur, tout simplement.
J'espère que les spécialistes pourront décortiquer ça, mais j'ai l'intuition que les spots de campagnes anxiogènes de l'UMP, pleins d'images subliminales comme inspirées des messages négatifs des clips américains, ont failli réussir leur coup :
- avec leurs images d'émeutes grecques et espagnoles, de chaos et de drapeaux rouges, symboles de la banqueroute socialiste (clin d'oeil appuyé aux électeurs de Bayrou)
- avec leurs images de panneaux en arabe pour évoquer l'immigration digne des plus grands clips de Mégret (clin d'oeil de l'autre côté)

Comment expliquer que Sarkozy ait obtenu de tels reports de voix des électeurs de Bayrou et de Le Pen, alors que ces derniers ne le soutenaient pas, bien au contraire? Son poujadisme anti-corps intermédiaires (syndicats, profs, magistrats, journalistes) aurait-t-il payé soudainement en fin de campagne? Je n'y crois pas trop. Comment un Sarkozy impopulaire, fatigué, décrédibilisé, fragilisé par les sondages a t-il pu à se point remobiliser les électeurs si ce n'est par l'action inédite du matraquage anxiogène de ces images cathodiques?

Quelqu'un a-t-il une autre explication?

01/05/2012

La française des jeux, nouvelle version de l'Etat-providence...

Vrai ou faux travail, c'est la question en vogue le 1er mai, mais en réalité tout le monde s'en fout.

Pour la bonne et simple raison que tout le monde a intégré que le travail ne paie plus depuis longtemps. C'est le capital qui a gagné. C'est lui qu'il faut viser. De la vieille et bonne propriété privée, et qui rapporte si possible.

Enrichis toi, et le banquier t'aidera...

Le travail c'est juste un statut, un brevet de bonne conduite, une attestation à présenter pour montrer que tu n'es pas un chômeur, un assisté, un fonctionnaire, un syndicaliste. C'est à dire que ta rémunération mensuelle n'est pas prélevée sur le dos des autres. Bref, que tu n'es pas un parasite.
Euh, les rentiers ? Non, ça se sont des investisseurs, ils ne vivent pas à notre crochet, c'est nous qui mangeons grâce à eux. Voyez la nuance !

Oui le travail ne paie plus, disais-je.
"L'ascenseur social est en panne", voilà un poncif régulièrement resservi depuis des années. Or comme il ne croit plus en l'efficacité des pouvoirs publics depuis belle lurette, le français moyen semble en avoir fait le deuil et vise d'autres stratégies pour tirer son épingle du jeu.

Cela fait d'ailleurs belle lurette que les pouvoirs publics eux mêmes nous ont aidé à faire ce deuil. Tu ne peux compter que sur toi même. Tu n'obtiendras rien des autres. N'attends plus d'arrangements collectifs. Les ententes sont une corruption qui nuit à la bonne marche de la concurrence totale. La solidarité est un vice, la concurrence c'est la vertu. Et le social, c'est le mal ! 

Souvenez-vous de la panacée des retraites par capitalisation individuelle qui devaient sauver le monde, si un grain de sable en 1995 imputable à notre archaïsme syndicaliste n'avait pas tout fait capoter. Ce n'était que partie remise. Certes les retraites sont encore pour longtemps encore empétrées dans cet affreux collectivisme, mais pour le reste, on est sur la bonne voie.

On a bien compris que dans ce monde, on est seul contre tous. Pour consolider son niveau de vie, et le transmettre à sa descendance, il faut donc se constituer un patrimoine par ses propres moyens. 

Tous propriétaires (donc tous généreux bienfaiteurs des banques)

Les français le savent bien, qui achètent un logement non plus pour se loger dans les meilleures conditions possibles, mais de plus en plus pour spéculer

De nos jours, c'est comme ça qu'on s'enrichit. En étant plus malin que les autres. On est assez malin pour jouer le pigeon pendant 30 ans à s'endetter auprès d'une banque, car on sait qu'à la fin on trouvera bien un pigeon bien moins malin que nous qui nous rachètera la baraque à un prix d'or et qu'on fera donc la culbutte. On est malin n'est-ce pas? (bon bien sûr, faut pas que la crise mette le bazar, mais bon, on est bien protégé, hein?)

L'essentiel, c'est de devenir riche. Ce n'est pas notre président qui nous contredira, pour qui la vie ne vaut pas d'être vécue si on n'a pas cette perspective (j'exagère, il a juste dit que Steve Jobs avait dû payer 75% d'impôts sur son revenu, il aurait gardé son génie pour lui tout seul, et l'humanité tout entière aurait dû continuer à vivre sans iphone, ouille !). Il nous a d'ailleurs répété il y a peu qu'il était immoral que l'Etat "se serve au passage" quand il s'agissait de transmettre un patrimoine à ses enfants. Ben oui, à quoi bon s'épuiser à s'enrichir si on ne peut pas fonder de dynastie familiale? 

Une chance au tirage, une autre au grattage

En dernier recours, quand on ne nait pas avec une cuillère en argent dans la bouche ou un cerveau de Steve Jobs dans le crâne, et qu'on n'a pas la patience d'attendre 30 ans, il te reste l'Etat-Providence, dans sa nouvelle mouture, intégralement compatible avec le capitalisme, celle là. En d'autres termes, si tu n'as obtenu la réussite par héritage, et que tu n'as pas pour autant démérité,  remets-en toi au hasard.

Le jeu en vaut tellement la chandelle, qu'on serait idiot de pas tenter. La française des jeux est ta dernière planche de salut !

Faut dire qu'on a sans doute la meilleure française des jeux du monde, nons voisins nous l'envient. Un pôle d'excellence à la française ! Reconnaissons le, la stratégie du gouvernement durant ce quinquennat a porté ses fruits : pour faire face aux conséquences des délocalisations et de la crise, il avait tout misé sur la libéralisation du commerce des jeux en ligne. Activités qui allaient stimuler la croissance, regonfler les recettes fiscales, bref, rebooster l'économie ! Sous l'oeil gentiment critique du PS, qui m'avait fait rire à cette occasion en parlant sans sourciller d'aider la Française des Jeux et le PMU à renforcer leurs missions d'intérêt général !

Révélation (au village)

C'est vrai qu'au début, je me demandais si les français ne nous faisaient pas un syndrome de Stockolm avec le capitalisme. En effet, plus le capitalisme les enfonce, plus ils s'accrochent au capitalisme.

Puis je me suis écrié "Eureka, j'ai trouvé". J'ai compris l'idéologie capitaliste et ça m'a convaincu. On est bien seul contre tous. Méfions-nous de tout le monde, le monde est sauvage, dangereux, il y a trop d'étrangers mais pensons d'abord à nous. Accordons nous la préférence, accordons nous la priorité... Et ne nous faisons pas de cadeaux... Il est tellement plaisant de niquer les autres et de ne pas payer d'impôts. L'impôt, c'est le mal absolu. Tout le monde a le droit de devenir riche, tant que ça ne me coûte pas un sous d'impôt. Voilà notre nouvelle devise...

Je préfère donc donner à la Française des Jeux, plutôt qu'au Fisc, car j'ai plus de chance de finir riche de cette façon,  même si in fine ça va à l'Etat... Ca me contrarie moins...
D'ailleurs, dans mon village, il n'y a plus de poste, plus de perception, mais un Tabac Presse PMU. J'y vais tous les jours tenter ma chance. C'est ça l'égalité des chances désormais... J'y crois chaque jour. C'est ainsi que j'ai retrouvé foi en l'avenir...